« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme« . Lavoisier imaginait-il combien sa formule ferait aussi loi en matière de déchets ? Contre une société de consommation entamant désormais son capital ressources dès le cinquième mois de l’année, l’économie circulaire impose sa logique résurrectionnelle : en lieu et place de leur rejet final, allonger la durée de vie des produits par leur réemploi après réparation, leur recyclage et/ou la valorisation de leurs composants.
Les Epl, clés d’un nouveau modèle
Si les entreprises sont les premières concernées, les collectivités portent aussi ce nouveau modèle de société. Et, avec elles, leurs Epl, dont une trentaine assument déjà le service public d’élimination des déchets, fortes d’une emprise territoriale inversement proportionnelle à leur nombre. Pour exemple, la Semardel traite chaque année les 200 000 tonnes jetées par près d’un million d’Essonniens. « Sur ce secteur aux formidables enjeux collectifs, les entreprises publiques locales ont toute légitimité à s’imposer plus encore. Nous sommes la clé d’un nouveau modèle de développement écologique, économique et social » prédit Jean-Luc Polard, président du Club déchets de la Fédération des Epl et de la Spl Sotraval, pierre angulaire du « Territoire zéro déchet, zéro gaspillage » porté par Brest métropole.
L’image prend tout son sens au regard des diverses entrées du secteur, dont les Epl maîtrisent chaque serrure ! Soutien du bien commun dans une dynamique entrepreneuriale, les Epl combinent efficacité environnementale et rationalité économique. La Spl Sotraval, dont le centre a réduit de 8 % la quantité d’ordures ménagères résiduelles et optimisé les coûts d’un million d’euros en mutualisant entrants et bonnes pratiques des 10 EPCI du nord Finistère…
Garantes de valeurs, ces entreprises articulent aussi circulaire avec solidaire, métamorphosant les déchets en emploi. Parmi les plus grands centres de tri de France, Triselec, dans le Nord, ouvre 300 de ses 400 postes à la requalification socio-professionnelle (50 % de sorties positives sur les bassins de Lille et de Dunkerque) tandis qu’une ressourcerie, où des objets restaurés connaissent une seconde vie, complète ces tremplins à Roubaix : « ReStore propose là un lieu de mixité sociale dont les activités d’accueil, de valorisation (bricolage, peinture…) et de vente forment une dizaine de personnes« , se félicite la directrice générale de la Spl, Dany Dunat.
Les Epl, l’énergie des synergies
Profitant de leur positionnement dans l’écosystème local, les Epl font également rimer traitement et développement. « Les déchets des uns sont les ressources des autres« , énonce Jean-Luc Polard, louant « ces échanges féconds imaginés à partir des flux locaux ». Fondements de l’écologie industrielle et territoriale (EIT), ces synergies favorisent l’émergence d’activités économiques significatives. Déjà connue pour ses liens avec un fabricant local de granulats local dont elle utilise la carrière pour ses activités, la Semag en est un exemple. « Avec Altéo, premier producteur d’alumine au monde basé à Gardanne, nous travaillons désormais à donner une deuxième vie à la Bauxaline®, ce résidu de la bauxite produit chaque année en millions de tonnes », expose son directeur général, Nicolas Fortuit… L’alliance promet déjà plusieurs pistes aux ex-boues rouges, dans la couverture de décharges de déchets ménagers, les infrastructures du BTP, la fabrication de tuiles ou la décontamination de sols pollués.
Le gaz vert au feu vert
Alors que la pollution représente le premier sujet environnemental, les entreprises publiques locales pourraient bien enfin réussir le tour de force de changer la matière en bon air ! Derrière la baguette magique, la méthanisation, productrice d’un biométhane équivalent au gaz naturel après épuration. « Le biogaz n’a pas pour seul avantage de valoriser les résidus agricoles et agroalimentaires, les boues d’épuration et les gaz produits par l’enfouissement. À ses débouchés s’ajoutent les transports, auxquels cette motorisation durable confère 95 % de particules fines et 70 % d’oxydes d’azote en moins », comme le souligne Christophe Bellet, directeur projet biométhane à GRDF.
Tandis que la loi fixe à 10 % la consommation de gaz renouvelable en 2030, une dizaine d’Epl a déjà contracté avec le gestionnaire de réseaux. Parmi celles-ci, la Sem 56 Énergies, créée début 2018 par le Syndicat départemental d’énergie du Morbihan. Mission : aider les collectivités à relever le défi de la transition énergétique, notamment par la création, d’ici 2 ans et sur toute la Bretagne, d’un maillage de 9 sites d’avitaillement GNV rapidement promis au biométhane. « L’opération est accompagnée par GRDF qui en assure les débouchés en incitant les flottes locales publiques et privées à migrer, telles les bennes à ordures ménagères de Vannes Rennes Métropole », détaille Alain Raguènes, adjoint au directeur territorial Bretagne de GRDF.
À l’heure où le gouvernement présente sa feuille de route pour une économie 100 % circulaire (FREC), 50 nuances d’écrits qui réjouiront et/ou agaceront (lire interview), « les Epl se révèlent bien comme des creusets d’inventivité et de technicité au service d’une gestion des déchets exemplaire« , résume Jean-Luc Polard… Une exemplarité à laquelle s’invitent aussi les Sem et Spl d’autres secteurs, privilégiant ici l’écoconstruction réversible ou réutilisant là, en sous-couche routière, le mâchefer issu de la combustion des déchets urbains. Pour que d’une Epl à l’autre, l’économie circulaire tourne parfaitement rond !