Briançon, plus haute ville de France, est située à un carrefour hydrographique. Quelle importance revêt l’eau et la disponibilité de la ressource dans un territoire comme celui de Briançon et des 3 autres communes qui composent l’actionnariat de la Spl ?
Le Briançonnais est souvent considéré comme le château d’eau de la Provence. La préservation de la ressource en eau est décisive pour l’avenir d’un territoire de montagne comme le nôtre. Elle est une préoccupation centrale pour l’aménagement du territoire compte tenu des enjeux qu’elle représente : source de production d’eau potable, support indispensable de l’économie agricole et de l’activité touristique, du développement économique, de l’environnement, de l’énergie… Issue de sources de haute montagne, l’eau de Briançon est exempte de pesticides, insecticides, nitrates et résidus médicamenteux que l’on peut retrouver ailleurs en France. Sa qualité a encore été améliorée par l’utilisation de la source de l’Addoux mélangée à celle issue de la source de la Draye pour faire baisser le taux de sulfates et de calcaire.
Au-delà de l’approvisionnement en eau potable, l’eau est aussi une source importante de production d’énergie renouvelable sachant que la ville de Briançon est actionnaire à 51 % de la société d’économie mixte EDSB, entreprise locale de distribution d’électricité. La production hydroélectrique constitue un vecteur de développement économique vital pour les Hautes-Alpes, tout particulièrement pour le Briançonnais. Les centrales hydro-électriques (barrage de Pont Baldy et des micro-centrales de Roche Percée et du Randons) ont des outils de production d’énergie électrique propres et respectueux de l’environnement. L’électricité produite par ces installations représente 30 % de l’énergie distribuée par EDSB. Outre l’approvisionnement en eau potable ou l’irrigation, la production hydro-électrique ou encore les besoins des secteurs industriel et touristique, l’eau peut être à l’origine de conflits d’usage. Des tensions entre les montagnes et les plaines peuvent aussi naître. La solidarité amont/aval s’avère donc indispensable.
Quel est l’impact du réchauffement climatique sur cet écosystème ?
Le réchauffement climatique risque probablement d’augmenter la fréquence d’événements extrêmes, comme des inondations et des sécheresses, en modifiant sensiblement l’enneigement hivernal et en accélérant la fonte des glaciers en montagne. Face au réchauffement confirmé, à l’accroissement des usages de l’eau en quantité et en diversité et aux fortes variations saisonnières du nombre d’habitants et des consommations, il est donc désormais impératif de conduire en montagne des actions particulières renforcées d’aménagement et de gestion pour mieux se protéger contre les inondations et l’érosion, préserver les écosystèmes, lutter contre les pollutions et optimiser les ressources en eau disponibles pour les partager entre les usages, tant en amont que dans les plaines en aval.
Entre loisirs (enneigement artificiel…) et usage courant, l’eau est une source vitale pour la montagne, quelle est votre vision de la gestion de la ressource en eau ?
Afin d’utiliser au mieux les ressources naturelles offertes par le territoire de manière à réduire sa dépendance énergétique, la ville de Briançon et la Spl ont souhaité s’engager dans la démarche de transition énergétique en construisant une microcentrale hydro-électrique sur la conduite du réseau d’eau potable issue du captage de l’Addoux. Les pico-centrales ont un très faible impact sur la biodiversité puisqu’elles sont construites au fil de l’eau et ne nécessite pas de retenues ou de vidange. Il n’y a donc pas de perturbation de l’hydrologie ou de la biologie. La pico-centrale a été mise en service en avril 2018. Son inauguration aura lieu prochainement.
Quelles sont les raisons qui ont amené la collectivité à choisir le mode de gestion Spl ?
En janvier 2016, la ville de Briançon, en partenariat avec les communes de Monêtier-les-Bains, Puy-St-André et Villard-St-Pancrace a approuvé la création d’une société publique locale Eau Services Haute-Durance qui se substitue à la régie briançonnaise de l’eau autonome (RBEA). Ces communes ont été rejointes par Névache en 2017. Ce choix marque, pour ces 5 collectivités, conscientes de la nécessité de gérer au mieux la ressource, la volonté de mener une gestion publique sereine.
C’est également un choix de raison qui s’inscrit dans des logiques de mutualisation des prestations liées à la gestion de l’eau potable (achat de matériaux, facturation et encaissement…) afin d’en réduire les coûts au profit de l’usager et de son pouvoir d’achat mais aussi de renforcer notre pouvoir de négociation avec les fournisseurs. En outre, la gestion déléguée de la ressource en eau au profit d’une Spl permet d’échapper aux règles très strictes de la mise en concurrence. Cette exonération de mise en concurrence rapproche la Spl d’une régie municipale ou d’un établissement public. La grande différence est que la Spl se voit appliquer un principe de complémentarité et non de spécialité comme c’est le cas pour les régies et les établissements publics. Ce principe de complémentarité est plus souple et permet de s’adapter au mieux face aux évolutions du droit des collectivités territoriales.
Le second avantage d’une société publique locale est sa forme de société qui lui permet de rechercher une forme de performance financière au profit de ses collectivités actionnaires. L’immense avantage de la Spl est qu’elle allie la souplesse et la réactivité d’une entreprise privée à la défense de l’intérêt général et aux valeurs du secteur public. Cela assure une maitrise politique et du pilotage de la Spl au profit des élus, ce qui permet de maintenir l’ancrage territorial, la transparence et la défense de l’intérêt général comme priorités dans l’exécution de la mission de service public.
En quoi la Spl apporte-t-elle satisfaction ?
D’ores et déjà et pour réaliser les nombreux chantiers de modernisation du réseau, le service de l’eau a assaini sa gestion (réduction de 30 % des frais de fonctionnement), ce qui lui a permis de dégager une part d’autofinancement. En complément, une ligne supplémentaire pour travaux a été ajoutée sur la facture des abonnés. Le service aux abonnés s’améliore grâce notamment à la mise en place de nouveaux logiciels, métier, comptabilité et abonnés afin de gérer l’évolution du périmètre d’activité de la Spl Eshd.
Comment envisagez-vous l’avenir du périmètre de cette société suite à la loi NOTRe et ses aménagements menés début d’année ?
Le rapprochement entre plusieurs communes de la Communauté de communes du Briançonnais (CCB) qui a rendu possible la création de la Spl ESHD permet aussi de préparer le transfert de la compétence de l’eau qui deviendra communautaire d’ici 2020. En vue de cette échéance, un état des lieux des services de l’eau de 11 des 13 communes de la CCB a été réalisé. À partir de ce bilan, des scénarios de gestion future de l’eau potable vont pouvoir être envisagés : reprise en régie, recours à un délégataire privé ou bien à une société publique locale comme EHSD ayant les communes pour actionnaires. Afin de préparer ce transfert, la CCB est devenue actionnaire de la Spl à hauteur de 5 % du capital. Si le transfert de la compétence eau potable devenait facultatif, les communes de la CCB qui ne sont pas encore actionnaires d’Eshd auront la possibilité de rentrer au capital de la Spl.