Servir le Public : Nos enfants mangent-ils si mal que cela à la cantine ?
Jacques Pélissard : Beaucoup de progrès ont été réalisés au cours des dernières années. On mange bien aujourd’hui sur le plan sanitaire avec une réglementation et des contrôles stricts. Plus de 30 000 inspections sont réalisées chaque année dans la restauration collective par les services de l’État, dont près de 13 000 en restauration scolaire. On mange également mieux sur le plan nutritionnel : la « circulaire de l’écolier », relative à la composition des repas, révisée en juin 2001, prend en compte les nouveaux apports nutritionnels conseillés, définis par la communauté scientifique et par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Mais, il reste à faire un gros progrès côté gustatif. Un bon enseignement, c’est aussi des enfants qui sont heureux de manger ensemble. Pour faire « de la bonne bouffe », il faut avant tout une volonté politique et travailler dans la durée.
SLP : C’est un défi que avez voulu relever à Lons-le-Saunier ?
J. P. : Nous avons effectivement entièrement revu notre approche de la restauration scolaire. En lui redonnant son côté convivial d’abord car souvent les enfants ne savent même plus ce qu’ils ont dans l’assiette. Un élève lit le menu à ses camarades pour décrire les plats et une animatrice est présente à chaque table où elle mange avec les enfants et répond à leurs questions.
Parmi les autres points importants : le développement d’un circuit court qui met en valeur des produits bio. Depuis 1990, un travail a déjà été réalisé avec les agriculteurs locaux pour mettre en place une agriculture raisonnée, qui limite au maximum l’utilisation d’engrais et de pesticides, afin de protéger notre nappe phréatique qui alimente la ville en eau potable. Aujourd’hui nous allons encore plus loin en créant une demande en produits biologiques à laquelle répondent les agriculteurs. Au niveau du blé d’abord, qui nous permet maintenant de servir du pain bio dans chaque restaurant scolaire. Les enfants retrouvent un goût du pain qu’ils apprécient ! Avec le soutien de l’Ecole nationale d’industrie laitière (ENIL) nous proposons également des yaourts bio. Et nous avons aussi lancé des repas avec de la viande de bœuf bio. Là encore l’offre des éleveurs locaux, au début insuffisante, s’est rapidement étoffé pour se caler sur nos besoins. La cuisine centrale achète sur pied une vingtaine de bœuf qui sont abattus dans l’abattoir municipal. La totalité est consommée, transformée par exemple en grillades, bœuf carotte ou autres.
SLP : Proposer un cuisine de qualité qui a du goût coût cher ?
J. P. : La mise en place d’un circuit court limite les intermédiaires et nous permet de bénéficier de produits bio de qualité au meilleur prix possible. Parallèlement, la construction et l’équipement aux normes de notre cuisine centrale nous ont coûté 3 millions d’euros, que nous amortissons en servant 1,2 million de repas par an dans les écoles, mais aussi dans les maisons de retraite et à l’hôpital. Cet effet de masse nous permet d’amortir un équipement lourd mais aussi de bénéficier des services de gens de qualité tels que diététiciennes qui composent les repas. L’importance des achats permet aussi de créer une forte demande et de mieux négocier les prix.
Propos recueillis par Patrick Cros/Naja
*publié aux Editions Mordicus 2010