Servir le Public : Quel est aujourd’hui le poids d’internet dans le développement touristique d’un territoire ?
Jean-Marc Devanne : Il est plus qu’incontournable. En 15 ans, un formidable bouleversement s’est opéré et l’ensemble du secteur touristique a basculé sur internet. La quasi totalité des touristes sont aujourd’hui des internautes. Le secteur se prête bien à cette évolution car l’achat un séjour c’est d’ébord de l’information et des contenus. L’e-tourisme est le premier chiffre d’affaires du Web et représente désormais 38 % de l’e-commerce en Europe.
SLP : On peut parler d’un bouleversement radical des moyens de commercialisation et de promotion ?
JMD : Tout à fait ! Cette révolution s’est faite en plusieurs étapes. Les offices de tourisme ont été parmi les pionniers en produisant de l’information avec l’internet 1.0 qui a popularisé le Web auprès du grand public en offrant des sites web riches de contenus. Avec l’avènement du Web 2.0, le secteur marchand a rapidement su compenser sa faiblesse relative en matière de contenu d’une part en sollicitant les avis et contributions, puis en s’appuyant, à partir de 2004-2005, sur le formidable essor des réseaux sociaux et la contribution des internautes eux mêmes, en particulier dans les offres affinitaires.
Les offices de tourisme et sites touristiques s’adaptent peu à peu cette évolution, mais l’Europe reste en retard par rapport aux Etats-Unis qui ont su rapidement s’appuyer sur des communautés d’experts partenaires. L’office de tourisme de Floride, par exemple, s’est associé avec des pêcheurs locaux qui donnent chaque jour des conseils relatifs à la météo marine et indiquent les meilleurs lieux de pêche, ou encore avec un réseau de femmes qui recommandent les meilleurs endroits pour faire du shopping, distraire les enfants, etc.
SLP : Quelles sont les perspectives aujourd’hui ?
JMD : On assiste à une troisième révolution du Web. La téléphonie mobile permet d’apporter via les Smartphones toutes les ressources de l’internet, mais aussi d’être géolocalisé et géolocalisable. Il devient donc possible d’alimenter l’utilisateur en informations contextualisées en direct à l’utilisateur là où il se trouve. En lui indiquant, par exemple, dans quel restau à sa localisation. En lui suggérant, par exemple, un restaurant quand il passe dans une rue à l’heure d’un repas avec une offre spéciale ou encore des hôtels ayant de la disponibilité de dernière minute, avec bien-sûr et en plus les avis des internautes pour l’aider dans son choix.
SLP : Quel est le défi à relever ?
JMD : Le rôle d’un office de tourisme évolue très vite. De diffuseur de contenus, il doit opérer désormais dans le foisonnement des sources disponibles et être un sélectionneur et un assembleur de contenus tout en continuant à produire là où il y a des manques. Il s’agit donc d’une évolution vers un rôle de sélection et de recommandation quant aux sources d’information disponibles mais aussi d’organisateur de ressources : communautés d’amis, d’experts, de greaters, de couchsurfers, etc.
Dans ce contexte d’hyper information et d’hyper concurrence, il doit même en place des approches par affinités et proposer une information adaptée aux attentes de chaque « client » au plus près de ses centres d’intérêt et de ses motivations. Face aux multiples évolutions, la veille de ce qui se passe sur l’internet devient indispensable pour savoir choisir et anticiper ce qui sera demain, pour chaque office, un axe stratégique et une priorité. Il s’agit ainsi de préparer l’adaptation des équipes et leur formation. Cela demande une élasticité de l’organisation à laquelle nous ne sommes pas, collectivement, habitués.
(1) CoManaging est un cabinet de conseil expert en marketing innovant qui intervient essentiellement en France et en Europe dans le champ territorial et du e-marketing.
Propos recueillis par Patrick Cros/Naja