Le recyclage des friches entre dans la logique de la réduction de l’étalement urbain. Est-ce si simple d’atteindre un tel résultat ?
Selon le principe de « zéro artificialisation nette », il resterait possible de « s’étaler » (un peu…), mais la consommation foncière d’un hectare pour l’urbanisation implique de rendre un autre hectare à la nature. Mais comment faire ? Il y a certes les friches urbaines et industrielles, mais ce n’est pas si simple : il faut démolir, parfois dépolluer, renaturer… Désurbaniser ne se fait pas sur un claquement de doigts. Au moins depuis le Grenelle de l’environnement, il y a huit ans, la réduction de la consommation foncière est bien entrée dans les préoccupations des collectivités et les effets positifs s’en font déjà souvent sentir.
Comment les collectivités territoriales s’adaptent-elles ?
Les projections démographiques à l’horizon 2050 montrent qu’à partir de cette date, la France va perdre des habitants. Les SCoT et les PLU devraient donc s’adapter à cette donne, en évitant de prévoir des extensions pour le résidentiel qui ne correspondent à la réalité à venir des communes. Trop de documents urbanistiques prévoient des « réserves » foncières « au cas où… », pour des extensions dont on sait qu’elles ne seront pas nécessaires. Il faut désormais se concentrer sur les hectares disponibles dans le bâti, en faire un recensement précis. Beaucoup de maires y trouveraient leurs comptes, en rendant leur centre-ville plus attractif, plutôt que de laisser croire à des propriétaires que leurs terrains resteront constructibles. Il faut certes avoir du courage politique mais cette manière de faire s’inscrit dans le cours de l’histoire.
Comment ça se passe, sur le terrain ?
Il y a de plus en plus de contentieux engagés par des propriétaires dont les terrains constructibles ont été « reclassés » en zone agricole ou naturelle par le PLU, parfois même alors qu’un permis de construire avait été délivré mais était devenu caduc faute d’engagement des travaux. Très souvent, le juge confirme le bien-fondé du PLU de la collectivité, estimant que les possibilités de construction qui avaient été inscrites dans les documents d’urbanisme sont désormais surévaluées. On peut parler d’un héritage des maires bâtisseurs, très prodigues d’espaces à bâtir, mais dont les possibilités ouvertes n’ont été saisies, faute de réel besoin. Si Rome ne s’est construite en un jour, la désurbanisation ne se fera pas en quelques années. Beaucoup de projets sont lancés, qui ne peuvent être instantanément remis en cause. Mais il est clair que l’on ne pourra plus construire des maisons individuelles en consommant des surfaces agricoles, naturelles ou forestières trop importantes.
Comment construire 250 000 logements sociaux, comme le souhaite Emmanuelle Wargon, sans empiéter sur les réserves foncières ?
Il me semble irréaliste de penser que l’on ne construira plus du tout sur des espaces agricoles, naturels ou forestiers. Mais sans doute les logements vacants ou les corps de fermes (parfois à l’abandon dans les villages) avec les parcelles constructibles dans le tissu bâti constituent-ils des « gisements » pour répondre à ce besoin de logement. Un autre point doit aussi être pris en compte : dans certaines régions, comme l’Alsace, les collectivités ont pris les devants pour réduire leur consommation foncière. Une démarche plus difficile à mettre en œuvre que dans le Massif Central où l’on a l’attrait des « grands espaces », par exemple ! Il ne faudrait pas que le nécessaire ralentissement de l’étalement urbain s’applique de manière uniforme sur l’ensemble du territoire. Dans les régions à forte tension urbaine, dans les régions qui ont déjà été économes de consommation foncière, les efforts demandés aux collectivités ne peuvent pas les mêmes que dans des territoires plus ruraux qui disposeraient de « plus d’espace ». Il me semble indispensable de privilégier une approche différenciée de la mise en œuvre de la sobriété foncière.
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