Petite tautologie introductive : avant les Jeux olympiques modernes, sponsorisés par de grandes marques de boissons, voitures et autres montres qu’il est bon de porter aux poignets quand on approche les rives de la cinquantaine, nos ancêtres grecs vouaient un véritable culte à cette fête des corps et des performances. Car une victoire aux jeux donnait à l’heureux vainqueur un prestige presqu’aussi grand que la rédaction de grands textes philosophiques. Jusqu’au 30 novembre 2024, il vous faut impérativement aller faire un crochet au MuséoParc d’Alésia, géré par la Spl éponyme, pour vous délecter d’une exposition où l’on apprend que les faits d’un lointain passé peuvent adresser de curieux clins d’œil à notre histoire contemporaine. Certes, il serait difficile aujourd’hui -quoi que- de payer des adversaires supposés meilleurs pour leur demander de se trouver une complication physique de dernière minute et se laisser ainsi battre sur un ring ou dans le cadre d’un pentathlon serré. C’est ce qui se faisait pourtant. L’exposition décrit le périple épique et cocasse d’Appolonios, boxeur d’Alexandrie, arrivé en retard lors de sa compétition, jurant la main sur le cœur que ce retard était lié aux vents contraires subis en mer Egée. Une telle excuse aurait pu être prise en compte par le CIO de l’époque mais un de ses adversaires, courroucé par le toupet de son congénère, lui aussi venu des faubourgs d’Alexandrie, fit savoir aux dites instances que le retard en question avait été motivé par quelques haltes opérés par Appolonios en Ionie pour distribuer quelques torgnoles rétributrices. Le retard n’était donc pas de nature éolienne mais vénal. Le menteur, ainsi pris sur le champ, fut disqualifié au pied du podium et mis à l’amende dans la foulée d’un combat non-autorisé lors de la remise des médailles pour châtier le délateur.
La Spl met les moyens
Ce sont ces petites anecdotes qui font la saveur de l’exposition consacrée aux jeux antiques, qui étaient disputés en l’honneur des Dieux, à commencer par le plus viril et foudroyant d’entre eux, un certain Zeus. « C’est sans doute l’ exposition temporaire la plus impactante dans l’histoire de notre musée, avec celle qui avait été consacrée au Coq Gaulois », assure le directeur général du MuséoParc Alésia, Laurent Bourdereau, dans un article publié dans Les Echos (27 mars 2024). La Spl n’a pas lésiné sur les moyens pour être à la hauteur de l’évènement, le coût de l’exposition avoisinant les 120 000 €. Après un appel à projets via des marchés publics, le design graphique a été commandé à Headquarter, la mise en scène à Freaks architectes avec les graphistes dijonnais de tempsRéel, tandis que l’artiste Stéphane Marin a réalisé une composition sonore sur des bruits de sportifs présentée sur la terrasse.
Créer une dynamique pour se renouveler
Autre clou de l’expo, montrant que les organisateurs des jeux de l’époque avaient déjà le sens du business : le strigile. L’accessoire de toilettes était un outil indispensable pour les athlètes, y recourant pour racler leur peau en retirant ainsi l’huile mêlée de poussière et de sueur. Le personnel du gymnase récupérait ce liquide étrange, le filtrait pour le revendre à des fans convaincus des vertus médicinales de cet étonnant breuvage. A quand une boisson mythologique issue de la sueur de Kevin Mayer ? Au-delà des anecdotes délicieuses de l’expo, le musée, inauguré en 2012 dans les parages des vestiges de la bataille d’Alésia, cherche toujours à surprendre, « car la dynamique ne peut être créée que par le renouveau », confirme son directeur. Le 12 juillet prochain, la flamme sera accueillie sur place. La dynamique a permis d’accueillir 84 000 personnes en 2023 dans ce bâtiment circulaire de la commune d’Alise-Sainte-Reine (+9 % de plus qu’en 2022), dont le financement du Conseil départemental de Côte d’Or assure la survie. L’objectif de 100 000 visiteurs est fixé pour cette année. Avec des anecdotes aussi savoureuses que celles d’Appolonios et de la sueur gratifiée, les curieux vont accourir !