À travers le mouvement des « gilets jaunes », les habitants des territoires ruraux ont manifesté, ces dernières semaines, leur sentiment d’abandon lié au départ des services publics, à la cherté des mobilités mais aussi à la fracture numérique. Certaines Entreprises publiques locales (Epl) se mobilisent pur sortir les territoires ruraux de cet isolement numérique. Deux d’entre elles, dont les actionnaires sont des collectivités ou groupement de collectivités (région, départements, syndicats mixtes numériques…), agissent même à l’échelle régionale.
La Nouvelle Aquitaine veut être couverte à 100 %
C’est notamment le cas de Nouvelle-Aquitaine THD (très haut débit). « Notre Spl commercialise et exploite le réseau fibre optique déployé par les collectivités de 7 départements et la région Nouvelle-Aquitaine avec son partenaire La Fibre Nouvelle Aquitaine », explique Gabriel Goudy, directeur général de la Spl. « Nouvelle-Aquitaine THD est un outil de mutualisation des territoires. Nous entrons dans le cadre d’un réseau d’initiative publique (RIP) : les projets d’aménagement numérique THD départementaux ou pluri-départementaux ont défini les conditions de construction, d’exploitation et de commercialisation des réseaux ». Plusieurs montages sont ensuite possibles. Les plus classiques concernent les marchés de service, les délégations de service public (DSP) concessives ou les affermages avec les opérateurs privés. Un autre, plus innovant, relève d’un affermage public via la Spl, une solution privilégiée par la région, qui la juge optimale. Sept départements sur les 12 l’ont également adopté. « Le choix de la Spl fait des collectivités des opérateurs de télécommunication », précise Gabriel Goudy. Les recettes perçues par la location du réseau aux opérateurs servent à financer la suite des déploiements du réseau. Ce montage 100 % public permettra de couvrir 100 % du territoire dans les prochaines années.
« Forcément, avec 7 départements, Nouvelle-Aquitaine THD représente un véritable poids commercial pour Bouygues Télécom, Free, Orange, SFR et les opérateurs alternatifs. Le particulier, lui, passe directement son contrat avec l’opérateur. Mais, en amont, ce dernier aura signé avec nous pour pouvoir proposer ses services sur le réseau »
Plus en « prises » avec la ruralité
La Spl commercialise un réseau d’initiative public construit dans les territoires où les grands opérateurs privés se refusent à faire des travaux à cause de coûts de construction trop élevés. « Forcément, avec 7 départements, Nouvelle-Aquitaine THD représente un véritable poids commercial pour Bouygues Télécom, Free, Orange, SFR et les opérateurs alternatifs. Le particulier, lui, passe directement son contrat avec l’opérateur. Mais, en amont, ce dernier aura signé avec nous pour pouvoir proposer ses services sur le réseau ». Ainsi, l’opérateur loue le réseau public fibre à la Spl. Le particulier paie son abonnement à l’opérateur, qui reverse une part à la Spl qui, à son tour, paie ses prestataires techniques et finance le reste du déploiement. « C’est un modèle économique qui fonctionne parce qu’avec 40 000 prises potentielles, un opérateur privé n’ira pas commercialiser dans un département rural. En revanche, fort des 700 000 prises que nous aurons à terme, nous aiguisons l’appétit des opérateurs, qui ont d’ailleurs signé avec nous », explique Gabriel Goudy. Les premières prises ont été livrées fin 2018.
Spl BFC Numérique au service des départements constructeurs
La même démarche prévaut pour la Spl BFC (ndlr, Bourgogne-Franche-Comté) Numérique, créée en 2016. « Chacun des 5 départements (Côte-d’Or, Saône-et-Loire, Nièvre, Yonne et Jura) a décidé de construire son réseaux FttH (Fibre jusqu’à domicile) et de se regrouper afin d’optimiser l’exploitation et la commercialisation des 5 RIP », indique Christian Carrière, le directeur général. « Ils nous délèguent la gestion de leur réseau de fibre et de sa commercialisation ».
Le haut débit conditionne le développement de nos territoires. Ce n’est plus un outil mais une nécessité, indispensable pour garder nos emplois et en attirer d’autres.
En février 2018, André Accary, président de la Spl Bourgogne-Franche-Comté Numérique, et Stéphane Richard, PDG d’Orange, ont signé un contrat d’affermage de 15 ans entre la Spl et Orange. « Le numérique est l’affaire de tous, et particulièrement des départements ruraux. Le haut débit conditionne le développement de nos territoires. Ce n’est plus un outil mais une nécessité, indispensable pour garder nos emplois et en attirer d’autres. C’est avec un débit plus élevé que nous serons capables de faciliter le quotidien de chacun », avait alors déclaré le président de la Spl.
Orange a été désigné pour assurer la prestation d’exploitation technique et commerciale des 388 000 nouvelles prises prévues à terme dans les 5 départements, avec 244 000 prises minimum garanties et 310 000 prévues à l’horizon 2022. 40 000 premières prises doivent être reprises en exploitation par la Spl et son prestataire d’ici fin 2019. Un déploiement indispensable aux territoires ruraux où les Epl jouent les facilitatrices.