Comment percevez-vous le rôle de l’économie mixte locale pour déployer une réponse pertinente et adaptée de politiques publiques attractives et ambitieuses ?
Je suis intimement convaincu que les Epl sont des outils indispensables au service des collectivités et plus spécifiquement au service des départements. Cette complémentarité public et privée et l’agilité qu’offrent les entreprises de la gamme Epl sont une chance qui nous permet de réaliser des projets ambitieux pour les habitants de nos territoires.
Très concrètement, comment cela se traduit-il sur votre département ?
En Vendée, la plus connue de toutes les Epl est la société organisatrice du Vendée Globe qui est constituée en Sem. Cette dernière rassemble au sein de son actionnariat le département, différentes communes du territoire et bien évidemment des entreprises privées indispensables pour organiser un évènement sportif au rayonnement international. Cette Sem nous offre également la possibilité de travailler sur notre image et notre notoriété dans un département où on a la chance d’avoir l’océan et de grosses entreprises dans le secteur de l’industrie nautique.
Nous sommes également dans un département où la place et le développement des activités touristiques est prépondérante. Le chiffre d’affaires touristique dans le département de la Vendée avoisine les 2 milliards d’euros. Nous avons donc un intérêt économique majeur à attirer les touristes et à promouvoir une politique touristique adaptée. Nous avons donc fait le choix de créer un Sem, Vendée Expansion, qui nous permet de développer des campagnes de communication ciblées à l’échelle nationale et internationale. Elle permet également de renforcer notre économie touristique en s’adressant à des entreprises qui ont de plus en plus le réflexe de développer le tourisme d’affaires dans notre département. Ces outils juridiques que sont les Sem, les Spl et les SemOp nous sont indispensables et nous permettent d’être acteurs de nos politiques publiques sur notre territoire.
Avez-vous le sentiment que vos collègues dans d’autres départements affichent un intérêt similaire à l’égard de l’économie mixte ? Sommes-nous encore dans une situation de méconnaissance ?
Je pense que l’on est plutôt sur une forme de méconnaissance. François Sauvadet, président de l’Assemblée des Départements de France (ADF), m’a permis de lancer une commission sur le sujet au sein de l’ADF. J’observe que mon témoignage a suscité de l’intérêt et des envies auprès de mes collègues. Nous accueillons de nombreux présidents et vice-présidents de départements en Vendée qui viennent observer et s’inspirer de la façon dont nos outils d’économie mixte nous ont permis de développer des actions ambitieuses. Si je prends l’exemple de l’énergie, ce modèle semi-public est incontestablement une réelle valeur ajoutée. Il est déclinable dans tout un tas d’autres secteurs. Je sais que des initiatives similaires telles que le service à la personne ou la restauration scolaire sont prises un peu partout sur le territoire. Nous devons nous obliger à communiquer davantage pour promouvoir ce modèle. C’est en tout cas ce que je m’évertue à faire auprès de mes collègues car je suis sincèrement convaincu par la plus-value de ces entreprises.
Vous évoquez la question de l’énergie. Grâce à sa Sem Vendée énergie, le département de la Vendée a fait de la production d’énergie verte l’une de ses priorités politiques. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Il y a encore 20 ans, le département de la Vendée était totalement dépendant de l’extérieur en matière énergétique. Nous ne produisions alors aucune source d’énergie sur notre territoire. Les élus ont eu l’intime conviction que nous devions être acteurs en la matière et plus seulement observateurs. Pour rappel, la Vendée est un département qui comporte 273 kilomètres de côte maritime. Il abrite une population qui reste traumatisée par la tempête Xynthia de 2010 et qui sait aujourd’hui que l’élévation des océans impactera sensiblement son quotidien. La création de la Sem Vendée énergie et le souhait de produire notre propre énergie étaient, par anticipation, une réponse à ces nombreux défis qui nous attendent.
Grâce à la Sem, nous avons initialement fait le choix de diversifier nos activités de production. Après l’éolien et le photovoltaïque, nous nous sommes lancés dans des activités de méthanisation qui permettent également de soutenir nos agriculteurs et l’industrie agro-alimentaire. Puis nous avons fait le choix de faire évoluer les activités de la Sem afin d’assurer également la distribution d’énergie créée afin de favoriser les mobilités décarbonées. Nous allons par exemple ouvrir, dès le mois prochain (Ndlr, mai 2023), notre septième station-service de biogaz dans le département. Grâce à la Sem Vendée énergie, on produit donc local et on permet à nos habitants de consommer local !
Nous souhaitons désormais créer des filiales de production d’énergie en passant par les communautés de communes pour encourager les initiatives locales. A ce jour, 80 % des communautés de communes du département ont leur propre société d’énergie. Vendée énergie étant actionnaire majoritaire de chacune d’entre elle.
Grâce à Vendée énergie, nous sommes donc passés en 20 ans, de 0 à 20 % d’énergie consommée et produite sur le département. En outre, la quantité d’énergie produite par la Sem représente la totalité de l’énergie consommée par toutes nos collectivités (Ehpad, écoles publiques, éclairage public, etc.). Cela veut donc dire que les collectivités ont investi dans un outil de production qui produit à la hauteur de ce qu’elles consomment. La prochaine étape et c’est un défi de taille sur lequel nous devons travailler avec le gouvernement, c’est la question de la vente de cette énergie produite.
Quelle est la marge de progressions de cette « révolution verte » ?
On est très clairement en train de développer ce potentiel. Je vous donne un autre exemple. Au moment où le gouvernement suggère l’idée de développer l’agrivoltaïsme, ce à quoi je m’oppose fortement, nous allons au contraire développer du photovoltaïque sur nos ressources internes en développant des projets autour d’ombrières sur différents parkings existants.
Nous travaillons également avec nos entreprises. On ne les autorise plus à construire de nouveaux bâtiments sans qu’il y ait 100 % de panneaux photovoltaïques sur les toitures. La loi ne leurs imposant « que » 30 %. Cela ne coûte pas un centime aux entreprises puisque tout est pris en charge par le département. Ce sont des exemples parmi tant d’autres qui démontrent notre capacité à démultiplier notre force de production partout sur le territoire.
Enfin, un grand parc d’éolien offshore au large de l’ile d’Yeu et l’ile de Noirmoutier va voir le jour dans les prochaines années. Le combat a été long et fastidieux mais grâce à l’outil Sem, nous nous sommes imposés symboliquement dans l’actionnariat de ce gigantesque projet afin d’en contrôler les tenants et les aboutissants. C’est aussi une façon de dire aux Vendéens : « Ne regardez ce parc comme un projet venant polluer nos côtes mais au contraire comme une opportunité nous permettant de passer, d’ici 2025, de 20 à 60 % d’énergie consommé dans le département qui sera produite au sein même de ce grand parc ».
Les départements ont été fragilisés ces dernières années par une série de réformes qui ont resserré leurs champs d’intervention. Quelle est aujourd’hui la place de ces derniers dans le grand chamboulement des réformes territoriales que nous connaissons ?
Merci à ceux qui ont imaginé les très grandes régions car ils ont redonné ainsi une lisibilité à une structure qui n’est pas dans la démesure. Nous sommes en train de démontrer que l’échelle départementale est un échelon à la fois global et de proximité. Les exemples sont nombreux. La crise du Covid a par exemple confirmé que la réponse globale de proximité a bien souvent été apportée par les départements. Au moment où une réflexion nouvelle est en train de s’organiser sur l’organisation de nos collectivités, je mets un point d’honneur à démontrer que le département est avant tout un acteur de confiance et de stabilité pour nos concitoyens.