On les trouve à l’intérieur des villes ou en périphérie. Certains ont mal vieilli, d’autres ont été protégés de l’usure du temps. Ces dernières années, des élus-aménageurs n’hésitent pas à repartir des sites industriels pour imaginer de nouveaux projets urbains. Une appétence qui tombe sous le sens ; les bâtiments présentent pour la plupart les avantages de la robustesse, de la monumentalité et de la préservation du patrimoine. L’évolution des usages n’est en rien problématique ; elle apparaît aux yeux de la population comme un hommage rendu aux plus anciens… Les villes se transforment, les sites industriels aussi. Pour mener à bien ces opérations, de nombreuses collectivités font appel aux savoir-faire des Epl.
À Strasbourg, la Manufacture des tabacs s’ouvre à l’extérieur
C’est le cas à Strasbourg, où les plus anciens se souviennent de la Manufacture des tabacs comme d’un bâtiment à part, installé depuis des lustres dans le quartier central de la Krutenau à Strasbourg. En 2008, 156 ans après son ouverture, l’ancienne fabrique a grillé son dernier cigare. La municipalité décide d’anticiper pour ne pas faire du bâtiment un lieu voué à l’abandon. Les murs appartiennent à Imperial Tobacco, son dernier propriétaire, qui les cède assez facilement à la ville via la Sers (Société d’aménagement et d’équipement de la région de Strasbourg). Depuis, le projet a pris de l’épaisseur pour devenir un lieu d’animations variées. « Avec 21 500 m², il rassemble en un même lieu formation et recherche universitaire, production créative et solidaire, espaces d’animation urbaine », assure Éric Fullenwarth, directeur général de la Sers.
Tout est possible avec une ancienne friche industrielle. L’université de Strasbourg investira la moitié des bâtiments, en y installant son pôle géosciences eau-environnement et ingénierie. Une partie de la HEAR (Hautes écoles des arts du Rhin) s’y adjoindra, établissement enseignant l’art et le design. Un troisième espace est réservé à un incubateur d’entreprises et à une école de formation de futurs dirigeants de start-up. Plus loin, un collectif se sigle « lieu de l’agriculture biologique ». Les visiteurs y achèteront des produits pour les déguster dans plusieurs petits restaurants. Enfin, au cœur de ce lieu décidément très hétéroclite, l’« hostel » conceptualise une nouvelle forme d’hébergement : une résidence destinée aux jeunes touristes, dans l’esprit du concept de l’auberge de jeunesse, aux prix abordables, avec 264 lits disponibles. « Ces diverses installations se feront au fil du temps, jusqu’en 2021, explique le directeur. Cette rénovation se fera en liaison étroite entre les architectes et ceux du patrimoine, chargés de veiller à ce que la signature du contemporain ne dénature pas l’esprit du lieu », poursuit-il.
À Toulouse, l’enjeu métropolitain de La Cartoucherie
À Toulouse, c’est La Cartoucherie qui revient du passé. « Les Toulousains découvrent, ou redécouvrent, ce lieu magique siège d’une activité industrielle aujourd’hui un peu oubliée », assurait récemment le maire, Jean-Luc Moudenc. En 2020; au cœur de l’écoquartier de la ville en cours de construction, le tiers-lieu de La Cartoucherie (13 000 m2) proposera 26 points de restauration, une salle de spectacle de 800 places, 4 salles de cinéma, une librairie, des espaces sportifs et de coworking… Quelles sont les clés pour réussir la transition de l’industriel à d’autres usages ? « La vision, la programmation projetée dans le cadre de la reconversion doivent faire sens. Pour cela, elles doivent s’inscrire dans l’histoire du site et intégrer une démarche de concertation associant les riverains, dont beaucoup sont d’anciens salariés, afin de favoriser ensuite l’adhésion au projet de reconversion. Elles doivent aussi répondre aux enjeux d’aujourd’hui et aux usages demain », explique Raphaël Catonnet, directeur de la Sem d’aménagement Oppidea.
La Ville a créé une Zac en 2008 pour en confier ensuite la conduite à Oppidea qui a acquis l’ensemble du foncier (30 ha) auprès de la ville. La Sem a suivi de près 2 points sensibles : la gestion des terres sur site et le maintien de 2 anciennes halles. « Sur le premier point, nous sommes intervenus à la fois sur la dépollution-réhabilitation des sols, sur les volumes de terre à évacuer ou confiner sur site pour optimiser l’empreinte carbone de l’opération », affirme le directeur. Sur la sauvegarde des 2 anciennes halles, Oppidea « a proposé à la ville de lancer un appel à candidature national orienté sur la programmation et l’exploitation pour retenir des partenaires innovants, à l’image du quartier, en capacité de relever les enjeux d’attractivité de niveau métropolitain ».
Un tiers-lieu en pleine « dynamique partenariale »
En sa qualité d’aménageur, Oppidea a dopé la « dynamique partenariale » autour du projet pour poser les jalons puis mettre en œuvre une reconversion caractérisée par sa multifonctionnalité. « La reconversion des 30 ha est globalement pilotée selon les mêmes principes que pour tout projet urbain, mais aujourd’hui, l’émergence de nouveaux usages et modes de vie conduit la Sem à s’entourer de partenaires spécialisés, comme des start-up et des associations très agiles et imaginatives dont les modes de financement et de fonctionnement sont souvent différents des modes de gestion de l’économie classique », poursuit Raphaël Catonnet. Le tiers-lieu de 13 000 m² est déjà palpable, avec des actions « d’urbanisme provisoire déployées sur le site ». Un festival de photos, le MAP, a attiré plus de 25 000 spectateurs en l’espace de trois semaines au printemps. Une mise en bouche qui permet aux futurs usagers d’habiter d’ores et déjà ce lieu à nul autre pareil…