Des articles de presse, en France et à l’étranger, ont pointé le surtourisme en Ardèche. Ce qui a le don de vous agacer…
Oui parce que c’est caricatural et qu’il s’agissait d’une vision macro qui peut avoir un effet indésiré sur la fréquentation de notre département. Il peut en effet y avoir certains jours où la fréquentation est dense mais c’est finalement très ponctuel. Il fallait rétablir la réalité et proposer un outil de prévision pour le grand public. D’où l’initiative que nous avons prise de créer « Canoé Malin », avec nos partenaires. Nous ne sommes pas dans les mêmes conditions qu’à Sugiton, dans les calanques de Marseille, où une régulation s’impose.
Présentez-nous justement ce dispositif…
La réputation de la destination touristique repose notamment sur la beauté de la descente de ses gorges de l’Ardèche en canoë. Ce qui crée, l’été, une fréquentation importante sur certains tronçons et à certaines heures de la journée. Avec le Syndicat de gestion des Gorges de l’Ardèche, en charge de la gestion de la Réserve Naturelle Nationale des Gorges de l’Ardèche et le Syndicat des loueurs de canoës (FEDELEA), nous avons décidé d’améliorer les conditions de navigation en canoë. Une démarche qui s’inscrit dans le cadre d’une réflexion globale que nous menons en tant qu’office de tourisme pour tendre vers un tourisme toujours plus responsable et durable en misant sur l’éco-responsabilisation des publics.
Ainsi est né Canoë Malin…
Nous l’avons lancé lors du long week-end de Pentecôte de l’année 2023. Il s’agit tout simplement d’indiquer aux touristes le niveau de fréquentation des rivières, information basée sur un modèle prédictif de fréquentation. Ce dispositif est enrichi par une information en temps réel assurée par deux webcams installées à Chames à l’entrée des Gorges de l’Ardèche (juste après le Pont d’Arc) et à Saint-Martin-d’Ardèche à la sortie des gorges. Les 70 km navigables de rivière Ardèche ont été coupés en 4 tronçons. Selon le modèle de « bison futé », pour chacun des 4 parcours possibles, le niveau de fréquentation est matérialisé, par jour et par tranche horaire par un code couleur du vert à l’orange. Il concerne par défaut la semaine en cours, les 2 suivantes et un moteur de recherche permet de trouver les informations sur une date ultérieure. Les loueurs de bateaux ont également la possibilité d’intégrer ces informations directement (widgets mis à disposition) sur leur site propre internet. Enfin les partenaires institutionnels et les professionnels du Tourisme – hébergeurs notamment – vont également pouvoir faire un lien direct depuis leurs outils digitaux (web et réseaux sociaux) vers le site de l’Office de Tourisme pour améliorer le service usagers.
Les effets du dispositif sont-ils d’ores et déjà mesurables ?
L’objectif est de faire évoluer le comportement de 10% des usagers et de lisser les pics de fréquentation notamment sur les tronçons les plus courts et les plus fréquentés. On estime à 200 000 le nombre de bateaux qui descendent la rivière chaque année. A 1,75 personnes par bateaux cela concerne environ 350 000 personnes. Or 75% se concentrent sur un tronçon de 13 km de parcours (qui passent sous le Pont d’Arc) alors que la descente « historique » de 25 km – au cœur de la Réserve Naturelle Nationale – qui a construit la notoriété de la destination n’enregistre plus que 15% de la fréquentation. C’est dommage pour les clients de ne pas connaître le « Must » de ce tronçon. Avec 35 000 sessions du dispositif Canoë Malin sur notre site web, nous sommes au final proches de nos objectifs de sensibilisation.
Vous préparez une version 2 de Canoë Malin. De quoi s’agit-il ?
Nous allons optimiser le modèle prédictif en 2025 grâce à l’IA, en s’appuyant sur les données de Canoë Malin et y ajoutant celles de Météo France et de Vigie Crues. Ce nouveau modèle intègre le niveau d’eau de la rivière, ce qui permet de déterminer si la navigation est possible ou impossible, facile ou sportive ; les prévisions météo à 4 jours renforcent la pertinence de l’outil. Ce dispositif a été rendu possible grâce à l’appui financier du dispositif national sur la gestion des flux piloté par Atout France. Nous avons pu recruter un géo-data-analyst pour construire des modèles mathématiques explicatifs, « entrainer les modèles, et proposer des prévisions générées par l’Intelligence Artificielle en temps réel. Notre démarche s’inscrit dans un programme plus large construit avec le SGGA et le Pôle National de Ressources des Sports de Nature situé au CREPS de Vallon Pont d’Arc. Il porte sur la gestion des flux liés aux activités sportives de nature, leur cohabitation avec les enjeux environnementaux, et la prospective de l’impact des évolutions climatiques sur l’ « outdoor » pour un territoire touristique majeur comme les Gorges de l’Ardèche. L’objectif d’Atout France est d’utiliser cette expérimentation pour la dupliquer et déployer la méthodologie sur d’autres territoires.